Dans le Lyon des années 1900…

Dans le Lyon des années 1900, suite au succès mondial de l’invention du cinéma des frères Lumières, j’allai avec ma sœur pour la première fois au cinéma. C’était un dimanche matin. Les rues étaient sombres en ce mois de février, les passants étaient peu nombreux et les quelques moineaux,  éparpillées autour de quelques miettes de pain laissaient un ton étrange. J’arrivai devant le cinéma. Le lieu était attirant car le cinéma m’était inconnu mais sinistre par sa lumière grisâtre. Je pris nos billets et j’entrai avec ma sœur dans l’unique salle, qui était composée d’un écran noir et de rangées de sièges occupées par quelques personnes. Et derrière tout ça, il y avait la fameuse machine.

– Le…, ah mince, je ne me rappelle plus du nom, déclara ma sœur.

– Le Kinétoscope, répondis-je, observant avec curiosité cette fameuse invention. Je m’assis dans la troisième rangée. Les fauteuils de cuir étaient souples et agréables. Le machiniste commença à actionner la roue et à faire passer le filtre. L’écran s’alluma en noir et blanc. Un train apparut, il avança pour entrer dans une gare et les spectateurs crurent que le train aller arriver sur eux et prirent peur. Moi aussi, j’avais exprimé un sursaut de terreur. C’était  « L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat ». En rentrant chez nous, je pensai à mes cours du lendemain matin. J’étais en cinquième et ma sœur en sixième. Je retrouvai ma chambre et me mis à réviser mes cours.

L’après-midi, j’allai en tramway à mon cours d’équitation. On m’attribua un joli hongre, New-Forest, d’une belle robe vive, baie brune. Je le brossai, le scellai et le bridai puis le montai en saut d’obstacles. Nous travaillâmes  sur les foulées de galop. Dehors, le temps commençait à virer, le ciel s’assombrissait de gris, zébré de quelques restes de ciel bleu. Je le brossai à nouveau à nouveau puis sortis des écuries pour ranger le matériel dans la sellerie et je rinçai le mors à l’eau.

En rentrant chez moi, après cet après-midi bien rempli, je pris un bon dîner que j’avalai sans peine. Après avoir débarrassé la table, je me retirai dans ma chambre, lus une bonne heure et j’allai me coucher. En m’endormant, je repensai au film de la matinée. Vers une heure du matin, je me réveillai en sueur, les cheveux collés sur mon front. Je venais de faire un cauchemar à propos du train qui arrivait sur moi…Le lendemain matin, je déjeunai rapidement avec des tartines et partis d’un bon pas vers le collège où mes copains m’attendaient déjà. Après les cours, en fin d’après-midi, je voulus revoir le film. J’y retournai, j’entrai dans la salle et la scène de la gare apparut, le train arriva, mais …

Malheur !!! Le train  sortit de l’écran pour entrer dans la réalité. Les spectateurs, effrayés, s’éparpillèrent spontanément pour échapper à l’engin monstrueux, lancé comme une bombe. Le train passait à ma hauteur. Un visage inconnu d’une beauté surnaturelle me jeta à la volée : « Accroche-toi » L’inconnue me saisit avec une poigne impressionnante par le col et me jeta dans le train. La vieille locomotive filait maintenant comme un éclair, loin, loin vers les terres, dans l’obscurité.

C’est moi Mathilde qui vais donc poursuivre le récit, car j’ai retrouvé dans un coin discret du bureau de mon frère le début de cette histoire écrite sur du papier buvard. Je vous décris la locomotive qui venait de passer sous mes yeux : c’était la plus étrange que j’aie jamais vu. Elle était dépourvue de roues à l’arrière, les vitres étaient teintées rouge-sang et la fumée retombait sur l’engin. Le train avait complètement enfoncé le somptueux Hôtel de Ville, la rue piétonne, les magasins de luxe lyonnais… Le grillage de l’Hôtel de Ville était suspendu par-ci, par-là aux deux malheureux lampadaires givrés par le froid de l’hiver. La belle salle de réunion, plaquée d’or et  de décorations diverses n’était désormais qu’un amas de débris de toutes sortes avec lequel le souffle du vent jouait. Le feu envahissait le hall. La lueur du feu contrastait avec le noir de la nuit, la lune diffusait ses beaux rayons. J’avais l’impression d’être dans un film. Les magasins brûlaient, eux aussi, le beau velours, la soie des traboules lyonnaises, les prunelles …Tout serait perdu. Les pompiers arrivèrent sur les lieux dans les dix minutes qui suivirent. Ils rétablirent l’ordre et les personnes présentent lors du drame ne tardèrent pas à rentrer. La police fut informée de la disparition de mon frère et l’enquête commença. Cette nuit-là, pourtant, harassée par la journée, je dormis très mal. L’aube ne pointait pas son nez .Le lendemain, j’allai à l’école et je passai devant le cinéma, et …Il n’y avait plus rien, tout était comme avant l’accident !! Alors, je courus chez moi, ouvris la porte de la chambre de mon frère et …Mon sang se figea, il n’était pas là.

Joshua

 

Je me souviens, je me rappelle… avec la 3ème 1

Au cours du chapitre sur l’autobiographie, de nombreux élèves ont émis un soupçon : les écrivains mentiraient quand il prétendent se souvenir de faits survenus dans leur petite-enfance. Ensemble, nous avons donc mis notre mémoire à l’épreuve. Les élèves ont remonté le fil de leurs rentrées successives : rentrée de quatrième, rentrée de cinquième, de sixième… de CM1… de CP…jusqu’à la petite section de maternelle. Tous se sont alors aperçus de la vivacité de leurs premiers souvenirs, quand ils n’avaient que deux ou trois ans. Un échange a suivi, qu’on vous donne à lire ici. Si vous aussi, vous décidez de replonger dans vos premiers souvenirs, voici la proposition à partir de laquelle les élèves ont écrit :

Partagez un de vos premiers souvenirs, en employant la ritournelle de Perec « Je me souviens, je me rappelle » et en évoquant un sentiment et une sensation.

Vous pouvez aussi écouter Daniel Darc ici http://www.youtube.com/watch?v=hJ1X5NNGdQc

MB

Je me souviens de ce jour-là, j’avais deux ou trois ans. Je jouais avec mes jouets lorsque j’ai aperçu une pile. Je l’ai ouverte avec mes dents et ma bouche s’est remplie de trucs noirs.

Je me rappelle l’écœurement.

Je me rappelle aussi ma curiosité.

AEF

 

Je me souviens du jour où je me suis fait opérer des amygdales. C’était le matin. Le docteur m’avait donné une blouse. J’étais avec ma maman.
Je me rappelle que je pleurais beaucoup. J’avais peur. Après l’opération j’avais mal à la gorge.

ABR

Je me souviens de ce jour-là. J’étais en maternelle et tous les soirs après l’ école, je goûtais. Chaque fois, je préparais ma table, je me mettais en face de la télé. Ma mère m’apportait ma brique de lait à la fraise (Candy Up), ma gaufre. Et c’était l’heure de mon épisode de Franklin. Ce jour-là je me suis mise à chanter le générique du dessin animé, je criais. Ma mère m’avait dit de me calmer, que ce n’était qu’un dessin animé .

Je me rappelle la fraîcheur de la brique qui se propageait sur ma main..

Je me rappelle l’euphorie.

Ke

Je me souviens de ce jour-là, j’avais environ trois ans. Je m’amusais tranquillement quand j’ai vu des crottes de chien. J’ai commencé à les ramasser puis à les lancer sur les gens qui passaient. Ensuite, j’ai essuyé les saletés de mes mains sur mon pantalon. Ma mère m’avait demandé ce que c’était et m’avait grondé…

Je me rappelle la mollesse et la fraîcheur de l’excrément.

Je me rappelle ma curiosité et l’envie de lancer.

T.