Entre-temps … Brusquement … Et ensuite …

Et ensuite, le soleil se coucha. Le ciel était rose. C’était magnifique, pour cette jeune fille âgée de quinze ans. Elle était blonde et portait un chemisier à jabot et des perles. Elle venait d’une famille de la plus haute société.

Entre-temps, la nuit était arrivée. Le ciel devint sombre et les étoiles se mirent à scintiller. La jeune fille contempla ce spectacle puis elle s’endormit.

Elle rêvait : elle se trouvait dans la rue et mangeait un Malabar. Elle fit une bulle mais le chewing-gum avait un goût de chair à saucisse. Elle le jeta par terre. Sur son chemin, elle aperçut une ruelle qu’elle pensait sûre et rapide. Elle la prit. Elle chantonnait mais elle se sentait observée. Soudain deux garçons se saisirent d’elle et l’emmenèrent dans un coin de la ruelle. Elle se fit rouer de coups et les garçons partirent en courant. Elle pleurait, sa pudeur perdue, se retrouvant avec un œil au beurre noir .

Brusquement elle se réveilla en hurlant. Sa mère, alors dans le salon, alla la réconforter. Puis la mère retourna dans le salon regarder La petite maison dans la prairie. La fille, elle, rêvassa cinq minutes et se rendormit.

Brusquement … Et ensuite … Entre-temps

Mis en avant

Brusquement il mourut. Il ne l’avait pas vue venir, celle-là, lui qui était si prévoyant. Il mâchait son malabar goût rose, dans cette maison emplie de solitude. Plus tard sa mère dirait : « Quelle mort stupide, alors! S’étouffer avec un chewing-gum, un chewing-gum ! Quelle vulgarité ! »
Et quelle vanité ! Toute sa vie, cette femme n’avait porté attention qu’à son image. L’élégance et le paraître avaient toujours été ses priorités. Elle avait voulu plaire à la haute société .
Et ensuite, Roger, son fils, était mort. Elle ne changea pas. Le jour de l’enterrement, elle suivit le cercueil en silence. Ses vêtements seuls étaient en deuil. Elle n’avait versé aucune larme ni ressenti aucune peine. De ses yeux secs, elle regardait Joséphine, la femme de Roger. Joséphine était effondrée et tenait à peine debout. D’un air blasé la mère chuchota : « C’est une honte, s’exhiber ainsi et devant tout le monde ! Cette gamine me ridiculise devant mes amis ! »
Entre-temps, Roger avait été lavé et béni. Sa mère l’avait habillé. Il ressemblait à ces petits aristocrates british que l’on peut voir à la télévision. Il serait beau pour ses adieux . Sa mère avait bien tenté de l’humilier une dernière fois : « Quelle mort stupide ! S’étouffer avec un chewing-gum, un chewing-gum, quelle vulgarité ! » avait-elle dit. Mais rien n’y avait fait et il était demeuré dans la même dignité qu’il avait vécu.